En République Centrafricaine, l’achat et la disponibilité du carburant est un sujet sensible et récurrent pour les logisticiens, et ce depuis plusieurs mois. L’impact se fait sentir jusque dans les rues de la capitale.
Avec l’appui du Cluster Logistique, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a, dans un premier temps, prêté un peu plus de 35 000 litres de carburant à une vingtaine de partenaires effectuant des opérations d’assistance vitale. Le Cluster Logistique, de son côté, poursuit le plaidoyer et les discussions avec les distributeurs. «Avec un manque à gagner qui dépasse parfois les 600 XAF (presque 1 dollar) par litre, il nous est impossible d’avancer le coût à l'importation » nous indiquent certains marketeurs.
Aux pluies diluviennes – qui entrainent non seulement des effondrements d’habitations mais également des éboulements de terrain rendant les routes difficilement praticables – s’ajoutent donc désormais les difficultés d’approvisionnement du carburant. Andrew, le logisticien de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) raconte :
« Nous sommes intervenus vers Bakouma mais cela a été retardé car les camions étaient bloqués dans cette zone et nous avons eu du mal à en faire partir d’autres de Bangui. Les transporteurs même les plus habitués à cette route ont tardé pour nous remettre des cotations pour effectuer ce trajet, ce qui a retardé l’intervention. Par ailleurs, c’est sur l’ensemble du pays que c’est compliqué. Aujourd’hui nous avons eu une alerte vers Paoua ; notre pré positionnement aurait déjà dû y être mais cela fait plusieurs semaines que l’on ne parvient pas à trouver un transporteur acceptant de s’y rendre. Il y a eu 580 maisons écroulées à cause des pluies en 3 jours, et nous allons intervenir en retard à cause de l’indisponibilité du carburant et de l’état des routes. »
Concrètement, le problème se situe au niveau des prix du marché du carburant – diesel comme essence. Les prix à la pompe devraient être augmentés et/ou subventionnés afin d’éviter que le carburant soit vendu à perte par les distributeurs, limitant de ce fait les quantités importées en Centrafrique. Le prix, fixé par arrêté interministériel n’a pas évolué depuis 2016, le gouvernement ayant choisi d’autres stratégies lorsque le prix du carburant à évolué précédemment.
Gracien Ndéma Atangtadiao, Secrétaire Général du syndicat des conducteurs de taxis et bus SCRTB à Bangui nous explique : «Jusqu’à présent, aucune solution n’a été trouvé pour pallier cette crise. Nous souffrons de la situation, la crise nous empêchant de travailler. En station, nous sommes limités à 11 litres par jour après presque toute une journée de file pour nos véhicules alors que nous aurions besoin de 20 à 25 litres par jour pour pouvoir faire un profit pour vivre. Nous avions reçu des garanties que la situation s’améliorerait lorsque les barges pourraient arriver en RCA, or, le carburant pourrait arriver désormais par barge mais la crise est toujours là. »
En effet, les réserves de carburant en République Centrafricaine, géré par la SOCASP (Société Centrafricaine de Stockage des Produits Pétroliers), sont habituellement reconstitués pendant la saison des pluies, grâce à un approvisionnement via le fleuve. Alors que le prix de revient du carburant gravite déjà autour de 1400 XAF aujourd’hui, lorsque l’approvisionnement par le fleuve ne sera plus possible et que le coût du transport du carburant par voie routière sera encore plus élevé. Nous pouvons également nous demander, alors que les périodes d’intersaison sont chaque année des périodes où l’approvisionnement se complique davantage, comment sera la situation à la fin de la saison des pluies actuelle.
Le carburant d’aviation (jet-a1) est lui aussi rare et cher en RCA. Le Cluster Logistique a été empêché de réaliser certaines rotations d’urgence en juin et juillet suite à la pénurie critique de ce carburant dans le pays. Certains opérateurs privés comme Via Air ont, avec certains de leurs clients, été contraints de mettre en place leur propre chaîne d’approvisionnement. Le carburant risque encore d’être dérobé malgré la vigilance du personnel aéroportuaire, ce qui, en plus de l’augmentation du prix du jet-a1 ainsi que de sa rareté, occasionne mécaniquement une diminution du fret que le Cluster Logistique est en mesure de transporter pour les partenaires. Ceci aura, in fine, un impact direct sur les bénéficiaires qui voient l’aide humanitaire retardée, non seulement du fait des circonstances contextuelles habituelles, mais aujourd’hui aggravées par cette crise de l’énergie.
Pour en savoir plus sur le travail du Cluster Logistique en République Centrafricaine visitez la page dédiée : https://logcluster.org/ops/caf13a